Des pêcheurs dans la vague orientaliste

"Les Pêcheurs de perles" de Bizet ouvrent richement la saison du Capitole de Toulouse.

Des pêcheurs dans la vague orientaliste

En ouvrant sa saison avec Les Pêcheurs de perles, le Capitole de Toulouse prolonge l’été. Pas d’opéra plus solaire, en effet, que ce premier chef-d’œuvre du jeune Bizet encore inconnu, composé en 1863, à l’âge de vingt-quatre ans. La forme – très ambitieuse pour un débutant – de cet opéra en trois actes, censé se situer à Ceylan, comporte des couleurs orchestrales chatoyantes et des mélodies très expressives qui figurent dans toutes les compilations des chanteurs les plus aguerris. Très riche et colorée, la nouvelle production du Capitole convoque toutes les forces vives de la maison : outre le chœur et l’orchestre, les ateliers ont tourné à plein pour les décors et les costumes.

Contrairement à Carmen, composée douze ans plus tard, avec ses « espagnolades » très typées, peu d’éléments musicaux se réfèrent à l’Orient dans Les Pêcheurs de perles. L’exotisme se cantonne aux personnages et au culte rendu aux divinités (Brahma, Vishnu…) avec les pratiques sociales qui en découlent. Le tout vu de très loin, sans aucune rigueur dans le portrait de ces croyances. On nage donc en plein fantasme, dans la vague d’orientalisme qui caractérise l’époque romantique.

Très simple (pour ne pas dire simplette), l’intrigue ne comporte en tout et pour tout que quatre personnages, épaulés il est vrai par un chœur imposant et omniprésent. Deux amis d’enfance – Nadir et Zurga – se sont promis de renoncer à la belle Leïla, devenue prêtresse de Brahma, vouée à la chasteté. Mais Nadir et Leïla tombés amoureux trahissent leurs serments respectifs. Ce que ni Zurga ni le grand-prêtre Nourabad, excité par le peuple en colère, ne peuvent admettre. Inévitablement la bluette conduit au drame sanglant.

Invitation à la danse

À la différence de nombreux autres opéras de l’époque, il n’y a pas dans les Pêcheurs de moment consacré au ballet, si ce n’est un « chœur dansé », où le livret et la partition très rythmique invitent explicitement à la danse. C’est néanmoins le chorégraphe Thomas Lebrun, directeur du Centre chorégraphique national de Tours, qui a été choisi pour la mise en scène. Le patron de la maison, Christophe Ghristi, l’avait repéré lors de sa première mise en scène d’opéra, Les Fêtes d’Hébé de Rameau, en 2017 pour l’Académie de l’Opéra de Paris.

Sans chercher à pasticher les danses orientales, encore moins à renvoyer à un quelconque folklore, le metteur en scène a parsemé le spectacle de chorégraphies qui embrassent successivement tous les types de danse d’Occident. Cela va de la danseuse sur pointes en tutu romantique (pour l’air de la déesse) jusqu’aux Bluebell Girls de Broadway. Le résultat est assez kitsch, de même que les costumes, qui ne lésinent pas sur les métrages de tissu ni sur les couleurs.

Sable, mer et bambou

Nettement plus sobres, en revanche, les décors d’Antoine Fontaine présentent, sur fond de sable et de mer, des structures mobiles de bambou enchâssées dans des éléments décoratifs du plus bel effet. Problème de cette production luxuriante (comme de beaucoup d’autres) : les chanteurs dans leurs grands airs solistes ou dans les ensembles sont souvent livrés à eux-mêmes, plantés face au public.

Très dynamique, le jeune chef Victorien Vanoosten utilise à plein les ressources de l’Orchestre du Capitole pour cette pièce qu’il a déjà dirigée au Staatsoper de Berlin. Après une mise en route laborieuse, le soir de la première, le 26 septembre, le chef parvient à trouver un équilibre entre les moments de tension et de suspense et ceux d’accalmie. Il n’empêche, les grands ensembles baignent dans une certaine confusion.

Dans le rôle de Leïla, la soprano Anne-Catherine Gillet domine très largement la distribution composée de chanteurs français, avec des trilles stratosphériques empreints de délicatesse et de virtuosité. Venu du chant baroque, le ténor Mathias Vidal, qui interprète pour la première fois le rôle de Nadir, manque de présence et d’amplitude. Il se fait ravir la vedette par l’autre ténor de la soirée, Alexandre Duhamel, qui campe un Zurga plein de pugnacité. Quatrième et dernier soliste, le baryton-basse Jean-Fernand Setti incarne avec sa haute stature un Nourabad impressionnant.

Photo Mirco Magliocca

Les Pêcheurs de perles de Georges Bizet, au Capitole de Toulouse jusqu’au 8 octobre (https://opera.toulouse.fr)
Direction musicale : Victorien Vanoosten, mise en scène et chorégraphie : Thomas Lebrun, collaboration artistique : Raphaël Cottin, Angelo Smimmo, décors : Antoine Fontaine, lumières : Patrick Méeüs, costumes : David Belugou.
Avec Anne-Catherine Gillet (Leïla), Mathias Vidal (Nadir), Alexandre Duhamel (Zurga), Jean-Fernand Setti (Nourabad). Orchestre, Chœur et Ballet de l’Opéra national du Capitole.

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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