image menu.png
Roméo et Juliette éblouissants d’une sombre clarté à l’Opéra national de Paris

Roméo et Juliette éblouissants d’une sombre clarté à l’Opéra national de Paris

A Paris, le mélomane d’aujourd’hui garde le souvenir ému des Roméo et Juliette de Gounod vus à l’Opéra-Comique. Le titre phare de l’Opéra national de Paris a-t-il attendu le metteur en scène Thomas Jolly pour faire son retour à l’Opéra Bastille ? Explications…

Roméo et Juliette-22-23 © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Voilà 38 ans que les mélomanes attendaient leur retour ! Roméo et Juliette, autre chef-d’œuvre de Gounod, n’a pas eu les honneurs de l’Opéra national de Paris depuis 1985. Une absence d’autant plus inexplicable qu’une autre salle parisienne (l’Opéra-Comique) ne s’est pas privée pour accueillir les grandes voix de Roberto Alagna et récemment Pene Pati pour incarner le héros de la légende. Après un Faust réussi à Bastille, l’opéra de Gounod a enfin retrouvé la première scène française ce samedi 17 juin 2023, dans une production qui fera date. Thomas Jolly, le metteur en scène shakespearien très en vue, livre une vision à la fois personnelle et respectueuse avec une distribution proche de l’idéal.

Les fantômes de Shakespeare viennent hanter l’œuvre de Gounod

Roméo et Juliette-22-23 (Benjamin Bernheim, Maciej Kwaśnikowski)  © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Fort du succès de Starmania, le jeune metteur en scène (futur homme clé de la cérémonie d’ouverture des JO) revient à l’Opéra national de Paris précédé d’une aura pas forcément confortable. L’exigeant public parisien qui adore couper les têtes lui a spontanément réservé un accueil debout, preuve de la parfaite réussite de sa production ! Grand spécialiste de Shakespeare, Thomas Jolly propose plusieurs niveaux de lecture en convoquant, par exemple, les créatures du monde « upside down » du dramaturge anglais. Lors d’une scène impressionnante, les fantômes de jeunes mariées désarticulées entourent Juliette prête à boire le poison. La mort règne dès l’ouverture avec une évocation intelligente de la peste à Florence qui a servi de cadre au Décaméron de Boccace, l’une des sources de Roméo et Juliette. Le décor unique de Bruno de Lavenère (sensationnellement éclairé par Antoine Travert) qui représente l’escalier majestueux du Palais Garnier, renvoie à la figure de Gounod, compositeur majeur de la grande époque de l’Opéra de Paris. La chorégraphie de Josépha Madoki, basée sur le waacking des clubs gays newyorkais des années avant Sida, participe au savant mélange des époques et apporte une modernité surprenante. Surexposés, les costumes fantasques de Sylvette Dequest pourraient facilement faire « épate gogo » mais éclairés par cette sombre clarté, ils servent la mise en scène comme l’ensemble de la distribution.

L’Opéra de Paris a trouvé son Gounod qui a trouvé son Roméo et sa Juliette

Roméo et Juliette-22-23 (Benjamin Bernheim, Elsa Dreisig)  © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Thomas Jolly dispose d’une troupe de grand luxe où chacun joue sa partition en parfait acteur. Même si le trille attendu n’est pas toujours au rendez-vous, Elsa Dreisig est une surprenante Juliette, déterminée, loin des clichés habituels de l’oie blanche. La soprano apporte la fraîcheur de son timbre à l’héroïne et survole facilement les difficultés de sa partie avec une diction admirable. Benjamin Bernheim est sans aucun doute le Roméo de sa génération avec, comme pour elle, des couleurs typiquement françaises. Après Faust et alors qu’il a attendu avant d’aborder le héros de Vérone, il confirme ses affinités avec le style gounodiste. Le baryton Huw Montague Rendall est également impressionnant en Mercutio. Très crédible scéniquement, notamment dans les scènes de bagarre réalistes, il chante un « Mab, la reine des mensonges » d’anthologie dans un français remarquable. Après Chérubino, Lea Desandre aborde avec Stéphano un nouveau rôle travesti où l’espièglerie tant vocale que théâtrale procure un vrai moment de plaisir. Toujours intelligibles, les grandes voix de Sylvie Brunet (Gertrude), Laurent Naouri (Capulet), Jean Teitgen (Frère Laurent) et Jérôme Boutillier (Le Duc de Vérone) sont parfaitement distribuées comme les seconds rôles où l’on remarque Sergio Villegas Galvain (Pâris) et également les jeunes Thomas Ricart (Benvolio), Yiorgo Ioannou (Grégorio) et Maciej Kwaśnikowski (Tybalt), artistes en résidence à l'Académie. La direction musicale de Carlo Rizzi, à la tête des impeccables Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, est élégante à défaut d’être inventive. Grâce à Thomas Jolly et grâce à un plateau idéalement composé, l’Opéra de Paris qui renoue avec sa tradition, fête en grand le retour du chef-d’œuvre de Gounod à Bastille en se dotant d’une production événement. Roméo et Juliette est une réussite spectaculaire à découvrir d’urgence, en attendant les reprises espérées et souhaitables (et pourquoi pas couplées avec le Faust pop de Tobias Kratzer ?).

Roméo et Juliette-22-23 © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Dialogues de grandes voix pour les carmélites de Liège

Dialogues de grandes voix pour les carmélites de Liège

A Dresde, Wagner retrouve la brillance de L’Or du Rhin

A Dresde, Wagner retrouve la brillance de L’Or du Rhin