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Le viol de Britten raconté au Capitole de Toulouse

Le viol de Britten raconté au Capitole de Toulouse

Le Théâtre du Capitole de Toulouse est une étape incontournable pour le mélomane voyageur qui connait l’intelligence et la pertinence de sa programmation. Avec un Britten intense à l’affiche, la grande scène française prend-elle un risque ? Explications…

Marie-Laure Garnier (Female Chorus) - Le Viol de Lucrèce/ Opéra national du Capitole © Mirco Magliocca

Le Théâtre du Capitole de Toulouse peut compter sur la fidélité de son public et sur son bon goût pour tenter les aventures. En programmant The Rape of Lucretia, l’opéra de chambre de Benjamin Britten créé en 1946, Christophe Ghristi a tenté le pari d’une œuvre intense et pourtant moins connue que Peter Grimes ou Billy Budd. Mardi 25 mai 2023, à l’issue de la première, les longs applaudissements ont prouvé que l’ouvrage avait toute sa place sur l’une des plus grandes scènes lyriques de France et qu’elle pouvait même se hisser au rang des chefs-d’œuvre du compositeur britannique. En choisissant la distribution avec discernement, le directeur artistique du Capitole s’est donné les moyens d’un succès mérité.   

La représentation d’un viol sur scène

Duncan Rock (Tarquinius), Cyrille Dubois (Male Chorus) - Le Viol de Lucrèce/ Opéra national du Capitole © Mirco Magliocca

Figure légendaire connue par son drame qui a fait passer Rome de la monarchie à la République, Lucrèce a inspiré bon nombre de peintres (Cranach, Titien, Artemisia, …) et quelques compositeurs comme Haendel jusqu’à Britten. En s’appuyant sur la pièce en français d’André Obey, le librettiste Ronald Duncan a gardé du théâtre antique romain l’idée d’un chœur mixte que le compositeur exploite habilement. Omniprésents sur scène, Cyrille Dubois (Male Chorus) et Marie-Laure Garnier (Female Chorus) commentent l’action, la servent ou la vivent intensément. Le ténor, dans les pas de Peter Pears le créateur du rôle, s’y montre exceptionnel d’engagement avec une aisance vocale renversante qui fait espérer d’autres rôles britténiens comme Peter Quint (The Turn of the Screw) qui lui tend les bras. Avec une partition pourtant moins étoffée, la soprano, capable de puissance et d’infinies nuances, côtoie également les cimes. La grande et superbe voix de Marie-Laure Garnier donne une résonnance inédite à un rôle qui, moins bien défendu, peut passer au second plan. La mise en scène équilibrée d’Anne Delbée sait parfaitement mettre ses acteurs en lumière dans une chorégraphie délicate des corps (à elle, la sensualité et la compassion, à lui, la jalousie, la duplicité et la violence). La représentation d’un viol est une gageure que la metteuse en scène contourne par une pirouette esthétique. En faisant revêtir sa Lucrèce d’une robe de princesse et son violeur d’un costume d’empereur romain, elle propose une image symbolisée du patriarcat mais le drame s’en trouve affadi comme la catharsis attendue.

Testostérone contre délicatesse, un combat à huit !

Agnieszka Rehlis (Lucretia), Duncan Rock (Tarquinius), Cyrille Dubois (Male Chorus) - Le Viol de Lucrèce/ Opéra national du Capitole © Mirco Magliocca

Pas d’affrontement mais la violence est toujours latente car malgré tout, la production réussit à proposer des images fortes où tous les artistes trouvent une partition finement travaillée. Dans le rôle de Junius, Philippe-Nicolas Martin explose de virilité avec son baryton ravageur qui couvre parfois Tarquinius, son compagnon d’armes. Duncan Rock est l’un des grands titulaires actuels du rôle complexe du violeur où il développe une intelligence rare du texte avec des moyens vocaux adéquats. La basse Dominic Barberi (à suivre de prés) est déchirant dans le rôle de Collatinus, mari désespéré de Lucrèce. Agnieszka Rehlis, accompagnée de Céline Laborie (Lucia) et Juliette Mars (Bianca) toutes deux bien distribuées, est la figure sacrificielle de l’opéra où se sont illustrées Janet Baker et Kathleen Ferrier, la créatrice du rôle. Sans toutefois rivaliser avec ces illustres devancières, la mezzo trouve le ton juste avec son timbre chaud. Lorsque Britten a écrit, après la guerre, son ouvrage pour huit chanteurs et un nombre réduit de musiciens, il l’a imaginé pour une compagnie d’opéra itinérante (l’English Opera Group). Avec des personnalités vocales aussi marquées, Christophe Ghristi retrouve un esprit de troupe où chacun incarne parfaitement sa partie. Il peut compter également sur les douze excellents musiciens de l’Orchestre national du Capitole dirigés du piano par Marius Stieghorst. Est-ce parce qu’il a craint que l’espace sonore ne soit pas rempli ? Le chef pousse parfois le volume en perdant quelques nuances au passage. La musique de Britten n’en demeure pas moins d’une fascinante beauté. L’affiche du Théâtre du Capitole de Toulouse pourrait bien inspirer d’autres directeurs artistiques mais en attendant, il reste peu de représentations de ce Rape of Lucretia, occasion rare pour découvrir un magnifique chef-d’oeuvre.

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