A Lyon, Katia Kabanova en reste au fait divers

- Publié le 2 mai 2023 à 18:03
Barbara Wysocka met en scène et Elena Schwarz dirige cette nouvelle production où Corinne Winters, après Salzbourg et Genève, s'empare à nouveau du rôle-titre.
Katia Kabanova

Une HLM hideuse et miteuse, sans doute de l’époque communiste, avec des escaliers, de salles de bains lépreuses : on a déjà vu ce genre de décor. La nature en est exclue, du moins jusqu’à ce que des arbres se mettent à couvrir une partie des murs. L’oiseau d’une vidéo la rappelle vaguement, anticipant la fin de l’héroïne. Pour oublier, on s’étourdit dans la vodka. Tout n’est en effet que ressassement, à l’image du tourniquet des enfants. Que peut faire Katia, enfermée dans ce huis clos que sa belle-mère, vamp vulgaire sur le retour, verrouille implacablement ? Transformer sa mort en revendication d’une liberté, « prise de position féministe d’une grande portée », nous dit Barbara Wysocka, acte de résistance « aux normes de genre » d’une « société patriarcale ». Et quand on enlève son cadavre, elle est toujours sur la scène, debout : tout un symbole. Comme Katie Mitchell dans sa Voix humaine strasbourgeoise, la Polonaise bannit le tragique de l’œuvre et en détourne le sens. Au-delà de la banalité du propos, la production, en tout cas, fonctionne bien, la direction d’acteurs, sans vraiment sortir de la convention, collant au texte et à la musique. Mais elle échoue à transcender le fait divers, comme le faisait celles de Barrie Kosky à Salzbourg ou de Tatjana Gürbaca à Genève.

Rares moments de poésie

La très brillante et très pulsée direction d’Elena Schwarz ne se relâche jamais, même lorsqu’elle ménage d’assez rares moments de poésie. Mais la singularité des combinaisons de timbres propre à la musique de Janacek lui échappe un peu et, trahie peut-être par l’acoustique des lieux, elle fait sonner l’orchestre trop fort.

Heureusement, le plateau résiste. Corinne Winters, dont la voix reste assez dure, notamment dans l’aigu, est toujours une Katia superbe, par la maîtrise du rôle et l’intensité de l’incarnation, moins hallucinante qu’à Salzbourg et à Genève cependant, faute d’être poussée jusqu’aux limites d’elle-même. Adam Smith claironne avantageusement son Boris, lâche rival du pitoyable mais bien campé fils à maman d’Oliver Johnston. Kabanicha et Dikoï sont plus des présences odieuses que des voix, une Natascha Petrinsky débraillée, un Willard White usé. Leur antithèse est le couple Koudriach-Varvara, promesse d’un avenir de liberté : Benjamin Hulett est aussi juvénile et stylé qu’à Salzbourg, Ena Pongrac aussi fraîche et fruitée qu’à Genève. Et les seconds rôles sont impeccables.  

Katia Kabanova de Janacek. Lyon, Opéra, le 28 avril. Représentations jusqu’au 13 mai. 

 

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