À Rennes, Luisa Miller peine à émouvoir

- Publié le 21 mars 2023 à 14:11
Malgré une scénographie relativement efficace, Guy Montavon prive l’opéra de Verdi de véritable tension dramatique, tandis que la distribution, inégale, est dominée par les seconds rôles.
Luisa Miller

La mise en scène de Guy Montavon évacue la question de l’opposition de classes, qui est pourtant un des ressorts de cette « tragédie bourgeoise », au profit du seul conflit générationnel. Des panneaux amovibles représentant de vieilles boiseries et des fauteuils de velours évoquent un univers élégant en voie de décrépitude. Tout un monde de vieillards plus ou moins handicapés ou décatis, en costumes du XIXsiècle seyants mais élimés, fait ici obstacle aux aspirations de la nouvelle génération, représentée par Rodolphe et Luisa en habits plus modernes. Les jeunes gens parviendront finalement à s’échapper grâce au pouvoir d’un poison semblable à un philtre magique, et partiront main dans la main sous une pluie de confettis…

Tragicomique

L’ensemble se révèle plutôt efficace avec quelques belles trouvailles et des effets de lumière réussis, notamment lors de la confrontation entre Luisa et Wurm, à l’acte II, où ce dernier dicte la lettre comme dans un mauvais rêve. Malgré tout, cette vision légère, presque tragicomique, où la Duchesse Federica chancelle sur ses béquilles et où des serviteurs perclus de rhumatismes suscitent l’hilarité de la salle, n’est guère favorable à la tension dramatique.

La Luisa de Marta Torbidoni possède une voix ample, souple, à l’émission précise et tranchante, aux aigus larges et faciles. On regrette toutefois quelques stridences dans le haut de la tessiture, et souvent un manque de nuances, malgré de très beaux pianissimos. Ce défaut affecte aussi le Miller un peu monocorde de Federico Longhi ; tout en accusant une certaine fatigue, ce baryton puissant au timbre rocailleux campe un père très attachant. Pur ténor italien, un peu nasal, Gianluca Terranova souffre d’aigus trop serrés et se trouve plusieurs fois en difficulté dans le rôle de Rodolphe, notamment dans la cavatine « Quando le sere al placido » qu’il peine à mener à son terme. 

On savoure en revanche le puissant mezzo, proche du contralto, de Lucie Roche en Federica, et la délicate Laura de Marie-Bénédicte Souquet. Plus marquants encore, le Walter de Cristian Saitta, au timbre chaleureux, et le Wurm plus mordant d’Alessio Cacciamani composent un beau duo de basses alliant prestance vocale et scénique.

Le Chœur d’Angers Nantes Opéra, presque toujours invisible afin de renforcer le caractère intimiste, se révèle excellent. Sous la direction de Pietro Mianiti, l’Orchestre national des Pays de la Loire se distingue par quelques beaux solos des bois, mais sonne bien sec, manquant de moelleux, de générosité, et ne contribue guère à conférer au spectacle le pathos et le romantisme que l’on attend de l’œuvre de Verdi.

Luisa Miller de Verdi. Rennes, Opéra, 19 mars. Représentations jusqu’au 25 mars, puis à Nantes du 7 au 13 avril.

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