À Beaune, Partenope de Handel joue la jeunesse, la vivacité… et l’allègement

- Publié le 18 juillet 2022 à 14:24
À Beaune, Partenope de Handel joue la jeunesse, la vivacité… et l’allègement
Ouvrant le deuxième week-end du quarantième Festival de Beaune, William Christie donnait la quinzième et dernière représentation d’une production du premier opéra « comique » de Handel.

Trois princes (Arsace, Armindo, Emilio) pour une reine (Partenope), pas moins. Plus une amante abandonnée (Rosmira), travestie en homme (Eurimene, quatrième prince !) pour reconquérir son promis (Arsace) et un capitaine de garde-conseiller (Ormonte). Créé le 24 février 1730 au King’s Theatre de Londres sur l’adaptation d’un livret de Silvio Stampiglia déjà choisi par Vinci et dont s’emparera Vivaldi, Partenope, vingt-septième opéra de Handel est aussi sa première œuvre réellement « comique ». Amours fluctuantes et quiproquos comme il se doit, duel final en prime et happy end de rigueur.

Troncatures, réécritures

La version resserrée proposée ici aurait peut-être davantage séduit la Royal Academy of Music qui refusa l’opéra en 1726, au prétexte de sa longueur. Les coupures opérées frustrent toutefois, même si la chose était déjà pratiquée par les compositeurs eux-mêmes. Si l’on en comprend certaines raisons – rééquilibrage des forces en diminuant la part imposante des airs « principaux », réduction du format pour la « première » de Thiré –, on regrette néanmoins quelques beaux moments perdus. Plus encore, le travail sur la partition confine à la réécriture : déplacement de sinfonie – entracte oblige, soit, mais pourquoi après la première scène de l’acte II ? –, « coutures récitatives » palliant les coupes et fluidifiant la narration, remplacement du théorbe par le jeu luthé du clavecin dans la scène de sommeil, malgré les indications pourtant précises de Handel… Passons.

Jeux de l’Amour et de la surprise

Échiquier, dés géants, gants de boxe : les discrets éléments de scénographie de Sophie Daneman, mettent subtilement l’accent sur le jeu et l’imprévu de l’histoire tout en accentuant sa part comique. Issu de l’Académie du Jardin des Voix, un plateau de jeunes chanteurs au sens théâtral affirmé évolue avec aisance dans cet univers symbolique. Ana Vieira Leite est Partenope, voix claire et souple, vive et délicate (« Qual farfalletta ») ou amoureuse « double » (« Spera e godi »). « Ses » princes sont aussi différents que possible. L’Arsace bellement virtuose – mais pas seulement – de Hugh Cutting offre une palette de sentiments et de nuances d’une infinie variété, de la furie (« Furibondo ») au désespoir contenu (« Ch’io parta? »). Face à lui, Alberto Miguélez Rouco – méforme ou timidité ? – passe plus difficilement : son jeu, tout de finesse et de retenue convient certes au personnage de l’amoureux transi Armindo mais s’explique moins quand, enfin, Partenope le choisit. Quant à Jacob Lawrence il joue à merveille un Emilio matamore : vocalise aisée et sincérité… comiquement douteuse (« Barbaro fato »). L’unique air d’Ormonte révèle un Mathieu Walendzik à la belle ampleur. Mais le cœur et l’articulation du récit comme sa chute inattendue (« Inaspetto evento ») appartiennent finalement à Rosmira/Eurimene. Helen Charlston s’y affirme superlative : son beau mezzo, long et charnel, sait être virtuosissime y compris dans le pianissimo, allant même à l’enlaidissement volontaire pour incarner jalousie et rage (« Furie son dell’alma mia »). William Christie – gentiment sollicité par le jeu de scène et s’en amusant visiblement –, dirige tel qu’en lui-même, attentif, minimaliste, efficace. Ému, aussi, ainsi qu’il l’avoue très simplement à un public heureux, de cette « dernière ».

Partenope de Handel. Festival de Beaune, cour des Hospices, le 15 juillet.

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