A Monaco, Cecilia Bartoli impériale dans Le Turc en Italie de Rossini

- Publié le 26 janvier 2022 à 14:27
Fort bien entourée, mais dans une mise en scène trop sage, la diva reprend un rôle dans lequel elle triomphait déjà il y a un quart de siècle.
IL TURCO IN ITALIA

Un quart de siècle après avoir gravé, avec Riccardo Chailly, une version de référence de l’ouvrage (Decca), Cecilia Bartoli reprend le rôle de Fiorilla dans Le Turc en Italie. Avec le même feu ravageur, le même abattage, le même éclat vocal  – tout juste note-t-on, çà ou là, un aigu un rien émacié. Voilà qui atteste l’intelligence avec laquelle la diva a mené sa carrière, en pleine connaissance de ses moyens. L’imagination ornementale semble encore plus extravertie que jadis, avec des miroitements infinis par où passe toute la palette des affetti. Chacune de ses interventions, culminant dans un « Squalida veste e bruna » d’anthologie, offre un festival de demi-teintes, de colorations, de science belcantiste restée à ce jour sans descendance à un tel niveau.

Fortes têtes

Comble de bonheur, autour de cet astre, gravite une galerie de fortes têtes. Entre Nicola Alaimo (Don Geronio) et Adrian Sampetrean (Selim), le match se dispute au sommet, le premier usant de toutes les ressources d’un legato gargantuesque pour jouer les maris cocus, le second sculptant dans un timbre de bronze les troubles séductions du Turc, plus incisif dans le chant et les manières. Chez les voix graves, le Poète de Giovanni Romeo n’est pas en reste, belle couleur et tempérament affirmé, que troublent cependant quelques écarts d’intonation.

Si l’on peut rêver, pour l’amoureux Narciso, d’un lyrisme plus chaleureux que celui de Barry Banks, sa projection aussi cinglante que son agilité font mouche. Albazar, le second ténor, a la voix tout en morbidezza de David Astorga, quand José Maria Lo Monaco prête à Zaida, seconda donna, les reflets ambrés de son soprano.

Support peu confortable

Dans la fosse, les premières mesures de l’Ouverture suscitent la plus grande inquiétude : cohésion, justesse, rythme, rien ne va. Gianluca Capuano, heureusement, redresse vite la barre et tiendra le cap dans l’implacable mécanique des ensembles. Mais la pâte sonore des Musiciens du Prince, qui jouent sur instruments d’époque, demeure assez ingrate, faible en volume, offrant aux voix un support peu confortable. On apprécie, en revanche, dans les récitatifs, le pianoforte fantaisiste (au bon sens du terme) de Luca Quintavalle.

Jean-Louis Grinda propose une énième variation autour du théâtre dans le théâtre. Nous voilà donc sur le plateau où doit se jouer la comédie qu’est en train d’écrire Prosdocimo – logique. Mais la métaphore est discrètement filée, sans qu’on saisisse très bien si les personnages campent des archétypes ou leur propre rôle. Le fond de scène s’ouvre pour laisser paraître le navire de Selim sur une mer agitée (belle image), toiles peintes et vidéos (avec éruption du Vésuve finale) assurent les changements d’atmosphères, les costumes sont chatoyants. Spectacle loyal, certes, mais un livret aussi rocambolesque autorise – ou plutôt appelle – d’autres délires dans les mouvements collectifs comme dans les portraits individuels.

Le Turc en Italie de Rossini. Monte-Carlo, salle Garnier, le 25 janvier. Prochaine représentation le 27 janvier. 

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