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Retour à la vraie Vie Parisienne mais d'abord à Rouen

Retour à la vraie Vie Parisienne mais d'abord à Rouen

Tout le monde pense bien connaître La Vie parisienne mais grâce aux inspecteurs du Bru Zane, d’autres dessous sont enfin dévoilés. Un célèbre couturier est impliqué dans l’affaire qui vient d’éclater à Rouen et sera bientôt entendue à Tours et à Paris. Explications...

La Vie parisienne © Vincent Pontet

Ce dimanche 8 novembre 2021, les spectateurs de l’opéra de Rouen Normandie ont été les premiers à redécouvrir un opéra pourtant bien connu grâce au travail des artistes et du metteur en scène mais avant tout, à celui des chercheurs. Les musicologues du Palazetto Bru Zane nous ont habitués aux très belles trouvailles. Grâce à un impressionnant travail effectué depuis plus de 10 ans, les mélomanes sont maintenant familiarisés avec les noms de Félicien David, Benjamin Godard ou Fernand De La Tombelle mais également avec les opéras de Saint-Saëns ou d’André Messager enfin redécouverts. Le XIXème siècle foisonnant a laissé de nombreux chefs-d’œuvre surtout dans le domaine lyrique. Inutile de citer les Gounod, Massenet ou encore Offenbach, les airs du petit Mozart des Champs-Élysées se fredonnent toujours un peu partout. Aussi lorsqu’Alexandre Dratwicki, le directeur artistique de Bru Zane annonce une nouvelle Vie parisienne, titre ô combien emblématique, l’intérêt est plus que redoublé.

Travailler à amuser, s’amuser en travaillant

La Vie parisienne © Vincent Pontet

Avant sa création en 1866 au théâtre du Palais-Royal à Paris, l’opéra bouffe a connu quelques aléas comme bien souvent avec les œuvres d’Offenbach. La troupe d’acteurs-chanteurs du Palais-Royal ne disposant pas des qualités vocales requises, il a été décidé d’amputer largement les deux derniers actes pour les refondre en un seul. Cette fin un peu expéditive n’étant pas tout à fait satisfaisante, les musicologues contemporains du Bru Zane ont pris le parti de faire confiance aux librettistes pour rétablir la version originelle. Dans cette édition littéraire urtext comme diraient les plus pointus, seize morceaux rares ou totalement inconnus ont été ajoutés passant la durée de La Vie parisienne à 3h10, entracte compris. Comme souvent avec les grandes réussites, le spectacle paraît trop court ! Les mélomanes retrouvent les ritournelles connues et appréciées et tendent l’oreille pour mieux tomber sous le charme du fabliau de la Baronne « Hier au bois » ou de s’esclaffer avec le quatuor « Jean le cocher ? ». L’opéra bouffe trouve sa cohérence dans une succession de scènes où les gags fusent, où les portes de l’ascenseur claquent et où l’on s’amuse. L’un des atouts de la production est que l’on oublie entièrement la reconstitution, un autre est bien évidemment la mise en scène et les artistes sur scène.

Costumes, décors et mise en scène d’un débutant

La Vie parisienne © Guillaume Benoit – Opéra de Rouen Normandie

Confier ce projet à un débutant est une gageure. Le célèbre couturier Christian Lacroix n’est pas un novice au théâtre mais jusqu’alors, seuls ses costumes brillaient sur scène. Aidé par Laurent Delvert et Romain Gilbert, le jeune metteur en scène (tout juste septuagénaire) fait ses premiers pas en toute légèreté dans une cour pourtant semée de pavés. Il faut énormément de sérieux pour réussir un opéra bouffe où le parler est tout aussi important que le chanter et le danser. Même si quelques répliques sont allées plus vite que la musique ce jour de première, les mouvements et les chorégraphies sont déjà parfaitement huilés et réglés au millimètre pour laisser place aux réjouissances et à la douce folie qui règne sur le plateau. Lacroix, également responsable des superbes costumes, glisse quelques belles images qui évoquent Caillebotte ou James Ensor. Le décor flanqué d’un échafaudage et d’un ascenseur assez hideux évoque avec une ironie bien vue, le Paris d’hier et d’aujourd’hui toujours en travaux. Les changements se font à vue et laissent place aux élégants salons bourgeois bientôt saccagés pour le plus grand plaisir des spectateurs hilares. Il faut dire sans trop dévoiler qu’outre les dialogues originaux savoureux, les gags qui parsèment la représentation font mouche. Même Mozart s’invite à la fête...

Oui, voilà la vie parisienne

La Vie parisienne © Vincent Pontet

Avec les danseurs (brillamment emmenés par Glyslein Lefever) et le chœur accentus, plus de quatorze artistes se retrouvent sur scène. Comme pour une véritable troupe de chanteurs comédiens, la cohérence de l’ensemble est remarquable avec toutefois une balance qui oscille sensiblement plutôt côté chant ou plutôt côté comédie pour certains. Le couple des joyeux noceurs Gardefeu et Bobinet est parfaitement incarné par Flannan Obé et Marc Mauillon. Signalons ici que Marc Mauillon après un bel Orfeo statique à l’Opéra Comique retrouve une fantaisie où il est irrésistible, une fois de plus. Autre meneuse de revue, Florie Valiquette possède l’abattage et la fantaisie que réclame le rôle central de Gabrielle même si la prosodie et le phrasé staccato si particulier chez Offenbach sont encore perfectibles. A l’inverse, Aude Extrémo (Métella) qui est La Périchole de sa génération maîtrise le style mais n’a pas encore trouvé le bon tempo dans ses réparties. Détails qui n’empêchent jamais de se réjouir d’entendre de si belles voix dans une luxueuse distribution. Tous les artistes sont à citer comme Franck Leguérinel, inénarrable Baron et Marion Grange, charmante Baronne. Même si Éric Huchet est un peu terne dans l’air fameux du Brésilien, il convainc facilement en bottier et dans ses autres rôles. N’oublions pas Philippe Estèphe, Marie Kalinine, Ingrid Perruche, Louise Pingeot, Caroline Meng, Carl Ghazarossian et également Elena Galitskaya (souffrante le jour de la représentation) car tous participent pleinement au succès de cette Vie parisienne qu’il ne faut pas rater. L’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie suit avec retenue la direction soignée de Romain Dumas. Après les représentations rouennaises (jusqu’au 13 novembre), le jeune chef sera à Tours du 3 au 7 décembre avant de retrouver Les Musiciens du Louvre (parfaitement aguerris à la folie et au mordant d’Offenbach) et une double distribution qu’il sera tout aussi intéressant de découvrir au Théâtre des Champs-Elysées (du 21 décembre 2021 au 9 janvier 2022). La belle réussite collective est le spectacle idéal pour les fêtes de fin d’année.

La Vie parisienne © Guillaume Benoit – Opéra de Rouen Normandie

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