À la suite des mesures sanitaires appliquées au printemps dernier, l’intégralité des représentations du Comte Ory composé par l’illustre Rossini s’était vue déprogrammée. Pour notre plus grand plaisir, l’Opéra de Monte-Carlo a choisi de faire figurer cette œuvre peu connue du grand public dans sa programmation 2021. Quelques changements de distribution sont néanmoins à constater : le rôle d’Isolier initialement pourvu par Deanna Breiwick est attribué à la soprano mexicaine Rebeca Olvera, et le Raimbaud de Florian Sempey se trouve interprété par Pietro Spagnoli. Récit d’un spectacle enflammé et désinvolte.

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Le Comte Ory à l'Opéra de Monte-Carlo
© Alain Hanel

À 14h, l’opéra ayant adapté ses horaires au couvre-feu démarre les hostilités. Dans la salle, l’allégresse d’assister à cet opéra en deux actes transparaît sur les visages enjoués du public. L’histoire est la suivante : alors que les hommes du village sont partis en croisade, un jeune comte, accompagné de quelques compagnons de fortune, entreprend de séduire les dames de la commune. Soudainement épris de la comtesse, le comte Ory doit faire face à un rival de taille : le jeune page Isolier.

Le rideau s’ouvre sur un orchestre énergique, alerte et théâtral, aux couleurs de fanfare. Le jeu dramatique des Musiciens du Prince dévoile une fine palette de nuances, répondant aussitôt aux gestes expressifs du chef Jean-Christophe Spinosi. Très vite, la mise en scène décalée du duo Patrice Caurier et Moshe Leiser attire l’attention : à l’imposant château des comtes de Formoutiers se substitue une caravane burlesque aux murs rose pailleté et au divan léopard ! Dans la même verve se situe le costume du rôle-titre : le Comte Ory de Maxim Mironov apparaît en lunettes de soleil, tongs et soutane ridiculement courte. On observe de surcroît différents clins d’œil aux années 40, comme en témoignent le portrait de Charles De Gaulle, ainsi que les uniformes et véhicules militaires. Le mélange des genres illumine considérablement l’aspect cocasse inhérent à la pièce, tout à fait bienvenu en ces temps difficiles. En revanche, la dimension ubuesque étant omniprésente, celle-ci en vient à légèrement compromettre le pathos des scènes sérieuses.

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Le Comte Ory à l'Opéra de Monte-Carlo
© Alain Hanel

Côté distribution, les premiers rôles se montrent vocalement très efficaces. Mironov se distingue par son agilité et ses récitatifs bien articulés. Habité par son personnage, le ténor nous offre une vision du rôle fraîche et spontanée. Cecilia Bartoli, qui incarne la comtesse Adèle, brille par ses vocalises précises ainsi que par sa grande maîtrise du souffle. Son phrasé naturel et expressif colle parfaitement à la pudeur attachée à la protagoniste.

Loin de démériter, les seconds rôles allient timbres légers et toniques. Parmi eux, la voix lumineuse de Rebeca Olvera (Isolier) gagne en confiance et en projection au fil des numéros. Son acolyte, Nahuel Di Pierro (le gouverneur) est applaudi en raison de ses graves profonds et enflammés. Au cast masculin s’ajoute le baryton Pietro Spagnoli (Raimbaud), à la précision rythmique admirable. Si les ensembles se découvrent frénétiques au début de l’ouvrage, la cadence tend à s’affaiblir lors du chœur final du premier acte (« Ô terreur, ô peine extrême ») : les vocalises perdent en justesse et en intensité. Fort heureusement, le deuxième acte reprend de sa superbe, exposant de flamboyants contrastes entre solistes, chœur et orchestre. On se passionne également pour les explosifs (de véritables artifices représentant une disjonction électrique détonent sur scène !), chutes d’objets et autres claquements de vaisselle qui ajoutent à la partition une belle variété de timbres.

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Le Comte Ory à l'Opéra de Monte-Carlo
© Alain Hanel

On retiendra de cette performance une grande appropriation par chacun du livret originel, saisissable aussi bien dans la mise en scène que dans le jeu d’acteur et les prouesses vocales des chanteurs.

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